Intégrer des moments zen dans son planning familial

01 April, 2025

Par Dominique Bernèche

Dans notre premier article, j'ai partagé avec vous mon propre piège : celui de l'organisation parfaite qui se retourne contre nous. J'ai compris que nos outils de planification, aussi puissants soient-ils, peuvent nous éloigner de notre objectif initial de sérénité si nous les utilisons mal. Aujourd'hui, je vous propose de découvrir comment j'ai réussi – et comment vous pouvez réussir – à intégrer concrètement des moments de calme qui font toute la différence.

Le principe des 80/20 : quand mon conjoint m'a ouvert les yeux

C'est mon conjoint qui m'a fait remarquer, avec son bon sens habituel, que j'en ajoutais toujours plus dans notre agenda familial. "On pourrait peut-être slacker un peu sur les engagements, non? Ce serait le fun de parfois NE PAS SE CASSER LA TÊTE," m'a-t-il dit un soir où je jonglais avec nos plannings du mois.

Cette réflexion, couplée au principe des 80/20 inspiré de la loi de Pareto, m'a amenée à revoir notre approche : je ne planifie désormais fermement que 80% de notre temps disponible, laissant 20% pour l'imprévu, la spontanéité ou simplement la détente. Je ne calcule pas à la minute près, ce n'est quand même pas une religion, mais un guide. Ces 20% ne sont pas du temps "perdu" – c'est une marge de manœuvre essentielle pour absorber les surprises de la vie quotidienne sans nous mettre en état de stress permanent, et pour simplement profiter sans agenda préétabli.

Concrètement, voici comment ce principe peut s'appliquer :

  • Pour une semaine typique : Sur les 7 jours, ne programmez des activités ou des rendez-vous que sur 5 ou 6 jours maximum. Préservez au moins une journée entièrement libre de tout engagement extérieur. J'observe que les familles qui arrivent à maintenir ce rythme, même avec des enfants inscrits à diverses activités, limitent ces dernières à 5 jours par semaine maximum, ce qui leur permet de sanctuariser le dimanche comme jour "sans agenda".

  • Pour une journée typique : Sur les heures d'éveil (environ 16h), je veille à ne pas remplir plus de 12-13 heures. Pour une journée familiale de weekend qui compte environ 12 heures actives (de 9h à 21h), je planifie au maximum 9-10 heures d'activités, ce qui nous laisse 2-3 heures totalement libres.

  • Pour les vacances : Sur deux semaines de congés, je réserve désormais au moins 3 jours sans aucun plan préétabli. Mon amie Stéphanie, mère de deux enfants, m'a dit : "Nous prévoyons désormais 3 'journées blanches' pendant nos deux semaines de vacances d'été. Aucune réservation, aucun itinéraire, AUCUN PLAN. Ces journées sont souvent devenues les plus mémorables, comme la fois où nous avons décidé de faire notre propre crème glacée. C'est devenu un petit rituel que les enfants adorent et on essaie de nouveaux parfums chaque année."

L'efficacité gagnée grâce aux outils de planification devrait servir à élargir cette zone tampon, pas à la réduire en ajoutant toujours plus d'activités. Et je vous partage un secret découvert : c'est dans ces espaces non programmés et spontanés que se créent souvent les moments les plus mémorables de notre vie familiale.

Cette nouvelle philosophie bien établie, la question est devenue : comment tirer pleinement profit de ces précieux 20% ? Comment transformer concrètement certaines plages horaires en véritables moments de sérénité ? Comment s'assurer que ces instants ne deviennent pas eux-mêmes une nouvelle source de pression ("il faut absolument se détendre maintenant !") ? Plongeons ensemble dans l'art d'intégrer des moments zen qui méritent vraiment ce nom.

Pourquoi j'ai toujours sacrifié mes moments zen en premier

"Au moment où je m'assois pour une heure de lecture tranquille dimanche, mon conjoint se met à faire la lessive. Rongée par la culpabilité, je dépose mon livre et me mets à passer l'aspirateur." Ou encore : "J'allais prendre un bain relaxant? Non, terminer ce dossier urgent me permettra une plus grande paix d'esprit que le bain, alors go pour le dossier."

J'ai souvent eu ces réflexes et je travaille encore à les contrer. Les moments dédiés à ma détente étaient paradoxalement les premiers que je sacrifiais quand mon planning se tendait. Je me justifiais en prétextant que mettre certaines responsabilités derrière moi serait plus salvateur que les moments de répit qui repousseraient encore ces mêmes responsabilités (que je m'infligeais pour la plupart).

Avouez que vous faites pareil... et que lorsque vous vous asseyez à ne rien faire, vous entendez souvent l'écho de vos parents vous dire que c'est du temps perdu, qu'il faut s'occuper. Ou encore, si vous ne vous activez pas en même temps que votre conjoint, vous vous sentez mal de le voir s'affairer seul. Ces voix intérieures, héritées de notre éducation, sont puissantes et difficiles à faire taire.

Cette hiérarchisation tacite explique pourquoi, même inscrits dans nos agendas, les moments zen finissent régulièrement sacrifiés sur l'autel de l'efficacité et des obligations sociales.

Repenser la valeur des moments de calme

Les neurosciences nous l'enseignent : notre cerveau a fondamentalement besoin de pauses pour fonctionner optimalement. Ces moments de déconnexion permettent :

  • La consolidation des apprentissages et de la mémoire (allô les liens que je peux faire entre mes apprentissages et le quotidien)

  • La régulation émotionnelle (bye bye l'anxiété et le stress inutile)

  • Le développement de la créativité (bonjour les nouvelles idées qui ont plus de facilité à se faire de la place dans mon cerveau non occupé)

  • Le renforcement du système immunitaire (merci microbes, la porte est fermée)

  • L'amélioration de la qualité du sommeil (alléluia les nuits sans insomnie)

Les récentes recherches en neurosciences sont formelles : ces temps de pause ne sont pas un luxe mais une véritable nécessité physiologique, comparable à l'alimentation ou au sommeil. Comme l'explique la Dre Sonia Lupien, neuroscientifique et directrice du Centre d'études sur le stress humain, notre cerveau n'est pas conçu pour fonctionner en état d'alerte constante. Des périodes de récupération sont essentielles pour maintenir notre capacité à gérer le stress. Sans ces moments de pause, nous épuisons nos ressources cognitives et émotionnelles, ce qui compromet à terme notre santé mentale et physique.

Ce changement de perspective a été fondamental pour moi. Quand j'ai compris que ces moments calmes sont aussi essentiels à mon fonctionnement cérébral que le sommeil l'est pour mon corps, ma façon d'organiser notre vie familiale s'est transformée profondément. Les pauses ont cessé d'être négociables pour devenir prioritaires.

La clé a été de comprendre que les moments zen ne sont pas des parenthèses agréables mais optionnelles : ils constituent un pilier fondamental de mon équilibre mental et physique, ainsi que celui de mes enfants. Ce n'est plus du temps que je "vole" à ma productivité, c'est du temps que j'investis dans notre santé collective.

Trois catégories de moments zen à explorer

Pour un planning véritablement équilibré, je recommande d'explorer trois types de moments zen complémentaires à programmer intentionnellement dans votre emploi du temps:

1. Les micro-pauses quotidiennes (5-15 minutes)

Ces courtes respirations ponctuent la journée, offrant des transitions douces entre les différentes activités. Leur brièveté les rend plus faciles à préserver, même dans les journées les plus chargées.

Pour moi personnellement, ces micro-pauses prennent la forme de:

  • Mon verre de vin sur la véranda pendant les soirées d'été

  • Ma tisane au bord du foyer durant les mois d'hiver

  • Mes étirements de 3 minutes pendant ma journée de travail

  • Une courte marche rapide autour du pâté de maisons pour me vider la tête

  • Le moment de l'histoire avant le dodo avec les enfants

D'autres idées que j'observe fonctionner auprès des familles que j'accompagne:

  • 5 minutes de respiration consciente avant de démarrer la voiture

  • Une pause "contemplation" devant la fenêtre avec une tasse de thé

  • Un moment câlin ritualisé au retour de l'école

  • Un temps d'observation du ciel avant le coucher

Comment les intégrer : Associez ces micro-pauses à des actions déjà présentes dans votre routine (après le brossage de dents, avant le repas, au retour de l'école) pour faciliter leur adoption.

2. Les rituels hebdomadaires (30 minutes - 2 heures)

Plus substantiels, ces moments permettent une véritable déconnexion et favorisent la reconnexion familiale. Leur régularité crée un rythme apaisant et des repères stables pour tous les membres de la famille.

Personnellement, j'adore nos après-midi cuisine où nous préparons ensemble des muffins ou des pâtes maison. Ce moment de création collective nourrit bien plus que nos estomacs!

D'autres familles mettent en place avec succès :

  • Un petit-déjeuner prolongé du dimanche sans écrans ni contraintes horaires

  • Une promenade en nature du samedi matin

  • Une séance de lecture familiale en soirée

  • Une heure de bain transformée en "spa" hebdomadaire

  • Des soirées jeux de société sans distraction

  • Une session sportive familiale (yoga, course, vélo) où l'objectif n'est pas la performance mais le plaisir du mouvement

Comment les intégrer : Notez ces rituels dans le calendrier familial avec une couleur distinctive. Considérez-les aussi importants qu'un rendez-vous chez le médecin – car ils sont essentiels à votre "santé familiale". Une astuce est de les présenter à la famille non comme des contraintes mais comme des privilèges.

3. Les parenthèses saisonnières (1-3 jours)

Ces parenthèses plus longues permettent un véritable ressourcement et créent des souvenirs durables. Le simple fait de les anticiper génère déjà du bien-être dans la famille.

Des exemples inspirants que j'ai observés chez mes clients et dans mon entourage :

  • Une journée trimestrielle "sans programme" où l'improvisation est reine

  • Un weekend déconnecté en pleine nature à chaque changement de saison

  • Une retraite familiale annuelle dans un lieu inspirant

  • Un projet créatif saisonnier réalisé ensemble sur plusieurs jours

  • Un rituel de rangement et purge qui libère l'espace physique et mental

Nathalie, une participante à mes ateliers, partage : "Nous avons instauré ce que nous appelons 'la journée bulle' une fois par saison. Les règles sont simples : pas d'écrans, pas d'obligations sociales, pas de travail ni de devoirs, et surtout, pas de montre ! On suit simplement notre rythme naturel. Ces journées sont comme des oasis dans notre vie trépidante."

Comment les intégrer : Planifiez ces moments privilégiés plusieurs mois à l'avance pour éviter qu'ils ne soient progressivement grignotés par d'autres engagements. Inscrivez-les en premier dans votre planning annuel, idéalement avant même les vacances scolaires.

Comment protéger ces moments des intrusions

Je vous entends! Vous trouvez cette idée intéressante mais un brin futile, vous vous dites que vous n'avez pas besoin de mettre ces moments à l'agenda, que vous arriverez bien à le faire par vous-mêmes. Je le sais car j'ai eu exactement les mêmes pensées. Toutefois, comme toute la famille ne vit pas au même rythme, il se trouve toujours quelqu'un pour bouleverser les plans. Les intégrer peut donc s'avérer une bonne idée. Décider d'intégrer des moments zen est une première étape. Les préserver dans ce monde hyperconnecté en est une autre, mais c'est possible.

Construire des frontières claires

La clé est d'établir des limites explicites, tant pour soi-même que pour son entourage.

Stratégies qui fonctionnent :

  • Communication préventive : Informez votre entourage de ces temps protégés. Attention, pas de vocabulaire trop protocolaire - nous ne sommes pas des robots! Dites simplement que vous avez mis des périodes sacrées à l'agenda et que vous comptez sur leur respect. Utilisez l'humour pour nommer ces moments : "Mission Inaction", "Pause Chaise Berçante", "Phase Légume", "Session Végétative" ou "Break Recharge".

  • Signaux visuels : Utilisez des signes clairs pour marquer ces moments. Une bougie spéciale, un drapeau, un habit particulier, appelez-le "LE SUIT DE L'INACTION", ou même des émojis spécifiques dans le planning familial.

  • Absence de négociation : Établissez que ces moments sont non-négociables, exactement comme l'heure du coucher. Protégez-les comme un pitbull garde son os!

  • Appareils en mode avion : Systématiquement pendant ces périodes, sans exception. Le monde continuera de tourner sans vos pouces sur l'écran, promis.

  • Espace dédié : Si nécessaire, créez une délimitation physique pour certains de ces moments. Un coin, une pièce, un fauteuil désigné.

Une famille a développé un système de 'drapeau rouge' à la maison. Quand le drapeau est sur la porte du salon, cela signifie 'moment calme en cours'. Les enfants ont eux-mêmes participé à l'élaboration de cette règle et bricolé le drapeau, et ils la respectent étonnamment bien. Le symbole est simple mais efficace.

Gérer les résistances internes

Souvent, les plus grandes résistances viennent de nous-mêmes : sentiment de culpabilité, impression de "perdre son temps", pensées parasites...

Pratiques qui peuvent vous aider :

  • Commencer modestement : débuter par 5 minutes, si c'est suffisant

  • Se rappeler les bénéfices scientifiquement prouvés : ce n'est pas du temps perdu

  • Concentrer votre attention sur quelque chose qui vous fait du bien et qui vous place dans un état de flow (lecture, cuisine, casse-tête)

  • Accepter l'imperfection : un moment zen n'est pas nécessairement un moment parfaitement calme, surtout si on a des enfants, baissez vos attentes

"Au début, je me sentais coupable de 'ne rien faire' pendant notre pause de l'après-midi," m'a confié Caroline lors d'un atelier. "Sans compter que sans occupations, les enfants avaient tendance à se disputer ou à se plaindre de ne pas savoir quoi faire. Puis j'ai commencé à noter les changements dans notre dynamique familiale : moins de conflits, meilleur sommeil, conversations plus profondes... Ces preuves tangibles ont balayé ma culpabilité. Maintenant les enfants trouvent facilement de quoi s'occuper."

J'ai vécu exactement la même expérience.

Quand les moments zen deviennent une seconde nature

Avec le temps et la pratique régulière, ces moments zen cessent d'être des efforts conscients pour devenir une seconde nature, intégrée à l'ADN familial.

Voici les signes qui m'ont montré que nos moments zen portaient leurs fruits :

  • Mes enfants ont commencé à apprécier et même à réclamer ces moments

  • J'ai observé une meilleure régulation émotionnelle chez tous les membres de ma famille

  • Nos transitions quotidiennes sont devenues plus fluides

  • La qualité de notre communication familiale s'est nettement améliorée, même mes ados me jasent davantage

  • Je ne ressens plus le fameux FOMO lorsque je ne fais rien

  • Je suis rassurée, même en prenant ces pauses, je ne manque pas de temps pour l'essentiel

Cultiver ensemble l'art du moment présent

Intégrer des moments zen dans notre planning familial a été bien plus qu'une simple technique d'organisation : c'est devenu une façon de cultiver collectivement l'art du moment présent, cette capacité à être pleinement là, ensemble.

J'ai compris que ces espaces de calme ne sont pas des parenthèses dans la "vraie vie", mais peut-être bien les moments où nous vivons le plus authentiquement. Car au fond, qu'est-ce qu'un planning familial équilibré sinon un outil qui nous permet de nous rappeler régulièrement ce qui compte vraiment ?

En revenant à notre point de départ : nos outils d'organisation sont extraordinairement puissants, mais ils ne sont que des outils. À nous de les utiliser à bon escient. Le véritable objectif n'est pas de remplir chaque minute de notre planning, mais bien d'y créer délibérément des espaces d'air, des moments de respiration qui donnent du sens à tout le reste. C'est dans cet équilibre, cette alternance entre action et repos, que se trouve la vraie productivité – celle qui nourrit nos vies plutôt que de les épuiser.

Dans le prochain article de notre dossier, je partagerai avec vous les habitudes quotidiennes qui nous ont permis de gagner en zénitude et en efficacité – ces micro-routines qui, une fois automatisées, libèrent notre attention et notre énergie pour l'essentiel.

 


 

Cet article fait partie de notre dossier spécial "Un planning familial qui respire" publié dans le numéro d'avril 2025.